Anatomie radiographique du membre thoracique du mouton Ladoum

Résumé

La présente étude, qui s’est déroulée entre janvier 2021 et avril 2022, a porté sur un groupe de 15 moutons Ladoum aléatoirement choisis. Après un examen clinique au Cabinet Vétérinaire de Médina en vue de s’assurer que les animaux étaient sains, des clichés radiographiques ont été pris à Clinique Bombo. Cette étude a permis de réaliser un atlas radio-anatomique du membre thoracique des ovins pour mettre en évidence les particularités au niveau de l’articulation de l’épaule. Celui-ci présente un humérus avec une tête séparée du corps par un col peu marquée et de l’articulation du coude où on note un élargissement discret correspondant à la fosse synoviale de l’ulna, des deux rangées des carpes et des deux doigts (phalanges).

Mots clés: Radiographie, Membres, Thoracique, Mouton Ladoum, Sénégal

INTRODUCTION 

Au Sénégal, comme dans la plupart des pays sahéliens, l’élevage ovin constitue une importante activité économique. Il est essentiellement élevé pour sa viande qui occupe une place non négligeable dans l’approvisionnement des populations. Le mouton est aussi bien considéré dans la vie traditionnelle sénégalaise et musulmane. C’est l’animal le plus sacrifié lors des cérémonies familiales (baptêmes, mariages, réceptions d’hôtes, circoncisions, décès etc.), et religieuses comme la «Korité» (Fête de l’Aïd El Fitr) ou la «Tabaski» (Fête de l’Aïd El Kébir) (Yadde, 1984).

Depuis quelques années, des éleveurs détiennent des moutons appelés Ladoum. Le Ladoum est une race ovine très prisée au Sénégal, particulièrement dans les grands centres urbains (Dakar, Thiès, Mbour, Saint-Louis, Touba...). Il appartient au groupe des moutons maures à poils ras. C’est une race rare et très recherchée (Thior, 2013).

Le Ladoum est une race à croissance rapide avec pour conséquence une fragilité des os des membres. En effet, les fractures sont très fréquentes dans l’élevage des moutons Ladoum, ce qui engendre des boiteries. La gestion des fractures chez les animaux au Sénégal est aujourd’hui encore un réel défi pour les vétérinaires. Les cas de fractures constituent un problème majeur lors de la prise en charge. Le diagnostic radiologique est un moyen très efficace permettant de situer le praticien sur l’aspect, la position de la fracture et de pronostiquer sur la vitalité de l’animal.

La radiologie conventionnelle par rayon X fait partie intégrante de la prise en charge des patients traumatisés. Elle s’impose comme la technique de référence depuis de nombreuses années pour diagnostiquer une fracture. Elle permet aussi au chirurgien de préparer une intervention et de prendre des repères anatomiques. La radiologie conventionnelle permet de voir les lésions osseuses, fractures ou arrachements. Dans certains cas, des images indirectes permettent de suspecter une hémarthrose dans les fractures du coude par exemple.

En outre, bien que la radiographie soit un examen accessible dans la pratique, l’interprétation des clichés obtenus requiert une bonne connaissance de l’anatomie, ainsi que de l’aspect radiographique normal, pour une espèce donnée. Ainsi, l’atlas radiographique des membres des ovins, réalisé à partir de sujets sains, constitue une aide non négligeable à l’interprétation des clichés de nos patients.

C’est dans ce sens que ce travail de recherche a été initié avec comme objectif général de contribuer à l’interprétation des clichés radiographiques des membres thoraciques du Mouton ‘‘Ladoum’’.

MATÉRIEL ET MÉTHODES 

Présentation de la zone d’étude

Les moutons sur lesquels nous avons effectué nos travaux proviennent de plusieurs quartiers de Dakar, notamment Médina, Gueule Tapée, Fann Hock, Colobane et Fass.

Ce travail s’est déroulé à Dakar à la Clinique Vétérinaire de Médina (CVM), pour la consultation des animaux en vue de s’assurer que les animaux étaient apparemment sains, et à la Clinique Bombo située au centre-ville de Dakar, pour ce qui concerne la prise des clichés de radiographie numérique).

Période d’étude

Cette étude s’est déroulée entre janvier 2021 et avril 2022. De janvier à avril 2021, nous avons fait le recensement des moutons, puis s’en sont suivies les prises de clichés de mai 2021 à avril 2022.

Matériel animal

Nous avons travaillé sur 15 petits ruminants de race ovine apparemment sains, dont l’âge varie entre 3 mois et 2 ans, reçus en consultation à la clinique Médina de Dakar.

Matériel radiographique

L’appareil radiographique utilisé est de marque Siemens Polymobil III. Le réglage de ses paramètres se fait grâce au tableau de commandes de l’appareil radiographique.

Les cassettes radiographiques utilisées sont monochromatiques de marque Fuji et de dimensions 24 x 30 cm.

Un ordinateur de marque HP muni du logiciel Komica minolta CS-7 a permis la lecture des images radiographiques. La machine utilisée pour développer les clichés est de marque Konica Minolta Regius 170. Il s’agit d’un système de radiographie numérique facile à utiliser, conçu pour les petits et grands animaux et.

Les examens radiologiques exposent les praticiens aux rayonnements ionisants qui peuvent être dangereux pour la santé. Afin de mener ce travail dans des conditions idéales de sécurité, toutes les personnes présentes dans la salle portaient un tablier imperméables aux rayons X et sans réaction vis-à-vis de ceux-ci. Le plomb et les alliages utilisés dans la composition des tabliers plombés offrent au corps une excellente protection lors des actes de radiologie.

Échantillonnage

Nous avons utilisé une méthode d’échantillonnage aléatoire pour choisir nos animaux. La présente étude a porté sur un groupe de 15 moutons Ladoum apparemment sains, choisis après un examen clinique minutieux au CVM. Les radiographies ont été réalisées sur ces moutons dans le but de confectionner un atlas radiographique à but didactique des membres thoracique et pelvien du mouton, pour les étudiants et les praticiens vétérinaire, afin de faciliter la compréhension et l’interprétation des clichés radiographiques chez les petits ruminants.

Technique de réalisation d’un cliché radiographique

Prise des clichés radiographiques

Nous n’avons utilisé aucune méthode de contention chimique. Les animaux étant relativement calmes et étaient en présence de leurs propriétaires. Une contention physique a été utilisée pour maintenir l’animal sur la table de consultation et le mettre en rapport avec la cassette.

Radiographie des membres thoraciques

Technique de prise des clichés

L’examen radiographique du squelette appendiculaire est centré soit sur les rayons osseux, soit sur les articulations. Lors de radiographie d’un os entier, il est nécessaire d’obtenir deux projections orthogonales. Les articulations proximale et distale doivent être incluses dans le cliché. Lors de radiographie d’une articulation, une portion des os situés de part et d’autre de l’articulation doit être incluse dans le cliché si cela est possible. La partie à radiographier doit être placée le plus près possible de la table de radiographie pour éviter le flou géométrique (Barthez,1997; Noiret, 2008; Kabkia, 2020).

Chez le jeune animal, il est important de se souvenir que les cartilages de croissance apparaissent radio-transparents et ne doivent pas être confondus avec des traits de fracture. Par ailleurs, certaines parties de l’os en croissance peuvent prendre un aspect irrégulier, plus ou moins hétérogène, qu’il ne faut pas confondre avec des lésions d’infection osseuse ou d’ostéochondrose.

Il est toujours conseillé en cas de doute sur l’interprétation d’un cliché radiographique du squelette appendiculaire de radiographier le membre controlatéral pour comparaison (Lebas, 2008).

Position de l’animal

L’animal est en décubitus latéral, le membre à radiographier contre la table, en extension, ramené vers l’avant. Le membre opposé est ramené vers l’arrière (Noiret, 2008).

Critères de qualité

La qualité radiographique dépend de la densité et du contraste radiographique (Kaidi, 2000).

Il faut que le centrage soit exactement sur l’articulation et que le tiers distal et proximal des os soient visibles (Kabkia, 2020).

Identification du cliché

Chaque radiographie doit être identifiée de façon précise. Il est évident que si un problème médico-légal se posait pour un animal, une radiographie sans identification convenable n’aurait que peu de valeur.

A la clinique vétérinaire de Bombo, l’identification ou le repérage du côté radiographié se fait par une pièce de monnaie. Pour désigner le côté droit du cliché, la pièce est placée directement sur le support du film (cassette). La pièce opaque aux rayons X apparaît blanche sur la radiographie.

Lecture des clichés

Lors de la lecture ou l’interprétation du cliché radiographique, la première des choses à faire est de vérifier la qualité radiographique et la qualité de positionnement (Kaidi, 2000).

Choix et obtention des images

Les meilleurs clichés ont été choisis en appréciant l’incidence, la position, ainsi que les critères de qualité énoncés dans notre méthodologie de prise des clichés radiologiques (ANSD, 2007; Barthez, 1997; Noiret, 2008).

Pour chaque image, des flèches ont été utilisées pour annoter les éléments anatomiques caractéristiques en vue de faciliter la compréhension des images.

Enfin, avec le logiciel Outil Capture d’écran et croquis de Windows, les images fléchées et numérotées ont été capturées en vue d’éviter le déplacement des flèches.

Cette méthodologie utilisée nous a permis d’obtenir les résultats que nous présenterons dans la partie suivante.

RÉSULTATS 

Articulation de l’épaule

Incidence latérale droite

L’articulation scapulo-humérale ou de l’épaule unit l’humérus à la scapula. Sur ce cliché (Figure 1), on peut voir l’articulation scapulo-humérale avec la tête humérale et la cavité glénoïdale de la scapula. L’humérus présente une tête, séparée du corps par un col peu marqué et épais. On peut voir également latéralement le grand tubercule et médialement le petit tubercule.

Incidence cranio-caudale

La scapula (Figure 2) est bien visible avec la fosse supra-épineuse et la fosse infra-épineuse. L’épine scapulaire forme une ligne de radiodensité plus marquée et s’étend jusqu’au col de la scapula pour former l’acromion. L’extrémité distale de la scapula est large et le tubercule supraglénoïdal est visible crânialement. L’articulation est formée par la cavité glénoïdale où vient se loger la tête de l’humérus. Sur le cliché, les contours de la tête humérale sont bien visibles ainsi que le tubercule majeur.

Articulation du coude

Incidence médio-latérale

Le coude (Figure 3) est une région complexe composée de trois os: l’humérus, le radius et l’ulna. Les articulations huméro-ulnaire, huméro-radial et radio-ulnaire sont étroites et régulières. Cependant, dans la partie médiane de l’espace articulaire humérus-ulnaire, il est possible d’observer un élargissement discret correspondant à la fosse synoviale de l’ulna. L’épicondyle médial de l’humérus, de forme circulaire, est bien visible et fait face au processus coronoïde du radius et de l’encoche trochléaire de l’ulna. Ces structures sont mises en évidence par une radio-densité plus prononcée. Dans cette projection, on distingue aussi clairement le processus anconé de l’ulna ainsi que la tubérosité de l’olécrâne.

Incidence cranio-caudale

Sur cette projection, les deux parties du condyle huméral sont bien visibles. La surface articulaire distale, encore oblique et étroite, présente le capitulum, situé latéralement et la trochlée médialement. Les deux épicondyles sont également bien visibles. Le foramen supra-condylaire et la fosse olécrânienne de l’humérus sont superposés à l’olécrane (Figure 4).

Carpes, métacarpes et les phalanges

Incidence médio-latérale

Cette projection (Figure 5) permet d’observer les deux rangées des os du carpe. L’os pisiforme est bien visible car il est projeté selon son grand axe. Les phalanges sont superposées sur cette projection, donc difficilement évaluables. Cette projection permet en outre de mieux visualiser le bord médial du métacarpe ainsi que le métacarpien rudimentaire et les grands sésamoïdes.

Incidence dorso palmaire

Sur cette projection (Figure 6), les deux rangées des carpes sont bien visibles ainsi que les phalanges et le métacarpe. Le métacarpe comprend un os principal ou os canon, très volumineux, qui résulte de la soudure des os métacarpiens III et IV. Cette ligne de soudure est d’ailleurs bien visible sur cette incidence. Le métacarpien rudimentaire n’est pas visible sur cette incidence.

DISCUSSION 

Méthode d’interprétation des cliches radiographiques

La méthode d’interprétation des clichés radiographiques a été la même que celle utilisée par Kabkia (2020), Schevenement (2010), Chator (2010), Gasse (2008) et Lebas (2008) qui ont eu à travailler respectivement sur le chien pour les deux premiers, le renard roux, le chinchilla et le furet pour les autres. Une méthode identique a été utilisée par Makungu (2019), Duncan (2013) et Masoudifard (2008) chez la chèvre.

Cette méthode d’interprétation se base sur l’appréciation de la densité, du contraste, de la netteté, de la position et du centrage et cadrage. Par contre, une autre méthode d’interprétation des clichés radiologiques a été utilisée par Alterescu-Le Floc’h (2005) chez le cheval. En effet, pour chaque cheval et à chaque bilan radiographique, toutes les images originales, suspectes ou anormales sont notées sur une feuille récapitulative qui détaille tous les potentiels sites ostéo-articulaires lésionnels. Chaque image est caractérisée et gradée, ce grade correspond à un certain nombre de points directement dépendants de leur sévérité. La somme de tous les points de chaque cheval permet d’établir son statut ostéo-articulaire.

Il est à noter que, de façon générale, l’interprétation des clichés radiographiques est beaucoup plus aisée en radiographie numérique car les images obtenues sont d’aussi bonne, voire de meilleure qualité, qu’en radiographie argentique. La radiographie numérique propose une échelle de niveaux de gris beaucoup plus importante et ce pour chaque pixel du capteur. Cela permet de détecter des différences minimes entre les rayons X arrivant sur le capteur, le contraste s’en trouve augmenté et une légère sous ou surexposition peut ne pas gêner l’interprétation de l’image qui peut être retravaillée par le logiciel. Cette particularité a deux avantages: il est beaucoup plus rare qu’en radiographie conventionnelle de devoir reprendre le cliché; de plus, sur un même cliché, il devient possible d’étudier des tissus très différents (tels les tissus mous et les os par exemple). Le numérique offre aussi l’avantage de pouvoir annoter les images, d’y effectuer des mesures tout en conservant une copie de l’image originelle (Decoupigny, 2011).

Radiographie des os du membre thoracique du mouton

Radiographiquement, la scapula du mouton ressemble beaucoup plus à celle des ruminants tels que la chèvre et le bœuf mais diffère de celle du chien et du chat, où la scapula présente une fosse supra-épineuse deux fois plus large que la fosse infra-épineuse, une épine scapulaire qui s’étend jusqu’au col de la scapula pour former l’acromion (Kabkia, 2020; Fusellier et Jossier, 2018).

L’humérus, le radius et l’ulna du mouton ressemblent à ceux des autres ruminants, notamment la chèvre et le bœuf même si l’ulna du mouton est plus petit et sa moitié distale est nettement plus grêle que chez le bœuf. Ces os présentent une différence nette avec ceux des carnivores. En effet, l’humérus des carnivores est fortement incurvé en direction caudale dans ses deux tiers proximaux et sa face crâniale du corps n’est distincte que dans sa moitié proximale, contrairement aux ruminants. Le radius et l’ulna des carnivores sont tous deux mobiles l’un sur l’autre et complètement distincts. Ils n’entrent en contact que par leurs extrémités et ménagent dans le reste de leur étendue un long espace interosseux (Kabkia, 2020; Fusellier et Jossier, 2018).

Le carpe du mouton comprend six os (le Pisiforme, le Pyramidal, le Semi-lunaire et le Scaphoïde, l’Unciforme, le Capitato-trapézoide), articulés entre eux et superposés en deux rangées, contrairement au chien et au chat ou le carpe compte 7 os (Kabkia, 2020; Fusellier et Jossier, 2018).

L’os canon du métacarpe de la chèvre est relativement un peu plus court et surtout plus large et moins aplati que celui du mouton et les phalanges unguéales de la chèvre sont plus aplaties que celles du mouton et leur face solaire est réduite à un bord épais (Duncan et al., 2013).

CONCLUSION

Cette étude a permis de réaliser un atlas radio-anatomique des membres des ovins. En définitive, ces clichés faciliteront d’une part, un meilleur apprentissage des étudiants en année clinique et d’autre part, aideront aussi bien les étudiants, enseignants, les chirurgiens que les vétérinaires praticiens à mieux connaître l’anatomie topographique des membres des ovins pour une meilleure prise en charge lors des consultations cliniques et chirurgicales.

Remerciements

Les auteurs remercient l’équipe de l’Unité d’Imagerie Médicale Vétérinaire de l’EISMV de Dakar ainsi que les équipes de la Clinique Vétérinaire de Médina à Dakar et de la Clinique Bombo.

RÉFÉRENCES

Agence Nationale de la Statistique et du Développement (Sénégal) (2007). Élevage: situation économique et sociale du Sénégal. Dakar: ANSD, 4p.

Alterescu-Le Floc’h N. (2005). Évolution radiographique des pieds de soixante-deux chevaux entre trois et seize ans. Thèse Médecine vétérinaire, VetAgroSup Lyon, 132p.

Barthez P. (1997). Technique en radiologie des petits animaux. Paris: CNVSPA-PMCAC, 180p.

Chator O. (2010). Atlas radiographique du renard roux (Vulpes vulpes). Thèse Médecine vétérinaire, École Nationale Vétérinaire de Toulouse, 260p.

Decoupigny B.H.A. (2011). Le développement des technologies numériques d’imagerie médicale en France. Étude bibliographique et résultats d’une enquête auprès d’un échantillon de cliniques vétérinaires. Thèse Médecine vétérinaire, École Nationale Vétérinaire de Lyon, 134p.

Duncan J.S., Singer E.R., Devaney J. (2013). The radiographic anatomy of the normal ovine digit, the metacarpophalangeal and metatarsophalangeal joints. Veterinary Research Communications, 37: 51-57.

Fusellier M., Jossier R. (2018). Radiologie canine et féline. MED’COM, Paris, 334p.

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Kabkia,D. (2020). Détermination des doses délivrées lors des expositions diagnostiques en pratique médicale permettant la réalisation d’un atlas radio-anatomique du chien dans la salle de radiologie de l’EISMV. Thèse de doctorat en médecine vétérinaire, 168p.

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