Résumé

Dans le but de valoriser les espèces végétales à propriétés insecticides et la recherche des méthodes alternatives à l'utilisation des insecticides chimiques, il est impérieux de mettre en place de bio-pesticides, qui soient efficaces, moins coûteux, accessibles, faciles à manipuler par les paysans et respectueux de la santé humaine et de l’environnement. Pour ce faire, cette étude s’est fixée comme objectif de déterminer l’efficacité des extraits aqueux des graines de ricin (Ricinus communis L.) et de Neem (Azadiracta indica L.) sur les ravageurs de la culture de niébé dans les conditions écologiques de Mbujimayi (RDC). Un dispositif expérimental complètement randomisé a été installé, sur une superficie totale de 180 m², constitué de trois blocs et quatre traitements, à savoir, T0 (témoin), T1 (Deltamethrine (1,11 litre/m²), T2 (Extraits des graines de neem (1,11 litre/m²) et T3 (Extraits des graines de ricin (1,11 litre/m²). Après application des traitements, il a été noté que le nombre d’insectes d’Ootheca mutabilis, de Maruca vitrata, d’Aneplocnemis curvipes, de Riptortus dentipes, a varié et l’analyse de variance a dégagé une différence significative entre les traitements comparativement aux nombres d’insectes dénombrés avant application des produits phytosanitaires.


Mot clés: Biopesticide, ricin, neem, niébé, Mbujimayi

INTRODUCTION

Le niébé (Vigna unguiculata) est l’une des légumineuses vivrières les plus cultivées dans beaucoup de pays Africains et certains pays asiatiques (Alavo, 2010). Sur le plan alimentaire cette plante représente une source importante des protéines et d’énergie tant pour les humains que pour les animaux (Munyuli, 2009).

Cet aliment très riche en nutriments avec une teneur en protéines allant jusqu’à 25% et des glucides de 60 à 65% (Nkongolo, 2017; Geigy, 2000), représente l’une des meilleures et moins onéreuses solutions qui peut contribuer de manière significative à la sécurité alimentaire (Tenni, 2017).

Malheureusement, au Kasaï oriental cette légumineuse alimentaire se caractérise très souvent par des rendements faibles et instables (0,1 à 0,25 T/Ha). Cela s’explique d’une part par la sensibilité aux contraintes abiotiques (dégradation du sol, perturbations climatiques) et d’autres parts par des contraintes biotiques (maladies et insectes ravageurs) (Mukendi., 2010, Munyuli et al., 2009).

Selon Kalonji (2017), le niébé est attaqué par une gamme très large d’insectes ravageurs au stade végétatif, à la floraison et à la fructification pouvant causer une perte de rendement de l’ordre de 80 à 100% si aucune précaution n’est envisagée. Le même auteur atteste que plusieurs espèces d’insectes ravageurs ont été répertoriées en Afrique, et les plus importants sont Aphis crassivora, Megalothrips sjostdii, Maruca vitrata, Mylabri ssp, Ootheca mutabilis.

Plusieurs techniques ont été préconisées pour lutter contre ces ravageurs au champ, il s’agit de la lutte biologique, chimique et les pratiques culturales (Kpoviessi et al., 2017).

Malgré ses résultats spectaculaires, l’utilisation d’insecticides chimiques de synthèse n’est pas une bonne stratégie recommandable aux agriculteurs du fait de leur toxicité aigüe (à court terme) qui peut se manifester par une dépression du système nerveux central (perte de connaissance, arrêt cardiaque), des effets cutanés (allergies, brûlures,…) et de leur toxicité chronique qui peut se traduire par l’apparition de pneumonies, de malformations congénitales et de cancers (Regnault, 2005a; Anonyme, 2000).

En dehors de la menace des pesticides chimiques de synthèse à la santé publique, s’ajoute celle des effets néfastes constatés sur les agro-écosystèmes et la biosphère qui se traduit par la destruction des insectes même ceux jugés utiles sans distinction, tel est le cas des insecticides organochlorés comme le dichloro-diphényl trichloroéthane (DDT) (Regnault, 2008; Lufwa, 2008).

En outre, s’ajoute les problèmes liés aux économies locales des producteurs du niébé se trouvant dans la difficulté de se procurer ces produits compte tenu de leurs faibles revenus et à leur utilisation rationnelle et durable, et aussi à leur accessibilité (Anonyme, 2006).

Par ailleurs, Adetonah (2005) estime que les orientations modernes de la défense des cultures et de la protection de l’environnement ont le regard désormais tourné vers les molécules botaniques naturelles biodégradables extraites des plantes, à effets insecticides et insectifuges.

Ces plantes sont exploitées sous diverses formes afin de limiter les pertes dues aux attaques des insectes ravageurs soit entières, soit sous forme de poudres végétales, d’huiles essentielles ou d’extraits aqueux (Ketoh, 2008).

Dans le but de valoriser les espèces végétales à propriétés insecticides et la recherche des méthodes alternatives à l’utilisation des insecticides chimiques, il est impérieux de mettre en place de bio-pesticides, qui soient efficaces, moins coûteux, accessibles, faciles à manipuler par les paysans, respectueux de la santé humaine et de l’environnement.

Pour ce faire, cette étude a pour objectif de déterminer l’efficacité des extraits aqueux des graines de ricin (Ricinus communis) et de Neem (Azadiracta indica)sur les ravageurs de la culture de niébé.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Localisation du site expérimental

Notre étude a été menée sur le site de l’Université Officielle de Mbujimayi, dans la ville de Mbujimayi, Province du Kasaï Oriental en République démocratique du Congo. Elle est située entre 6° 10’ latitude Sud et 23° 35’ longitude, à 666 Km de l'Équateur et est bâtie sur un plateau vallonné dont l’altitude moyenne est de 740 m (Kambi, 1995).

Matériels biologiques

Comme matériels biologiques obtenus de l’INERA/Gandajika, nous avons utilisé le Niébé (variété Diamant), les graines de Ricin (Ricinus communis ssp. sanguineus) et de Neem (Azadiracta indica).

Méthodologie

Un dispositif expérimental complètement randomisé a été installé, constitué de trois blocs et de quatre traitements. Les blocs sont séparés les uns des autres de 1,5 m tandis que les traitements séparés de 1 m. La superficie totale était de 180 m² (15 m x 12 m) et celle emblavée totale était de 108 m², la superficie parcellaire élémentaire était de 9 m² (soit 3 m x 3 m), semée aux 25 cm x 50cm.

Les traitements:

• T0 = témoin;

• T1 = Deltamethrine (1,11 litre/ m²);

• T2 = Extraits des graines de Neem (1,11 litre/m²) et;

• T3 = Extraits des graines de Ricin (1,11 litre/ m²).

Technique d’extraction de l’extrait aqueux de graines de ricin et de Neem

Pour extraire le principe actif de graines de ricin et de Neem, nous avons procédé de la manière ci-après:

• Ramassage décorticage des graines sous les arbres;

• Séchage à l’ombre pendant 10 jours;

• Broyage des graines au pilon et mortier;

• Trempage du broyat (100 g) dans 1 litre d’eau pour obtenir la solution mère après 24 h (macération);

• Dilution de la solution mère (1 litre) dans 10 litres d’eau;

• Ajout du savon (15 gramme de la poudre du SABA) puis tamisage;

• Déversement de la solution diluée dans le pulvérisateur à dos suivi de la pulvérisation dans les heures matinales à la dose 1,11 litre/m2 (Stevels, 2008).

Pour le pesticide chimique de synthèse: Deltamethrine (1,11 litre/ m2).

Application des produits phytosanitaires

La première pulvérisation à la Deltamethrine, des extraits aqueux de ricin et de neem (bio-pesticides) a eu lieu au 36ème jour après semis. En outre, la seconde a eu lieu 56ème jour après semis.

Variables phytosanitaires

Pour cette étude, les variables suivantes seront observées:

• Les insectes ravageurs ont seront dénombrés entre le 28 à 35ème, 39 à 55ème et 59 à 69ème jour après semis.

• L’incidence d’attaque des insectes ravageurs

Les différents types d’insectes ravageurs ont été identifiés à l’aide d’une clé d’identification des ravageurs et maladies des plantes en région tropicale établie par Zi Oloumi (1989).

L’indice d’attaque = (Nombre de plants attaqué)/(Nombre total des plants) x 100

Analyse statistique

Les analyses statistiques de données récoltées ont été réalisées à l’aide du logiciel Statistix 8.0. L’analyse de la variance (ANOVA) associée au test de LSD au seuil de 5%; ont été réalisées pour évaluer la différence des moyennes des traitements, d’identifier les traitements qui diffèrent significativement des autres. La différence significative entre les moyennes est présentée par les lettres alphabétiques différentes.

RÉSULTATS 

Les tableaux suivants présentent les nombres moyens d’insectes à des différentes dates dans les parcelles sous étude ainsi que leurs coefficients de variation. Les moyennes suivies par une même lettre ne diffèrent pas significativement au seuil de 5%.

Le tableau 1 présente le nombre d’insectes observés avant pulvérisation de produits phytosanitaires. Le nombre d’Ootheca mutabilis varie entre 13 et 16 avec une de moyenne de 15; Medythia quaterna entre 10 et 14 avec une moyenne de 13; Maruca vitrata, entre 2 et 4 avec une moyenne de 3; l’analyse de variance révèle qu’il n’y a pas de différence significative entre les moyennes des traitements au seuil de probabilité de 5 %.

Le tableau 2 présente le nombre d’insectes ravageurs après la première pulvérisation des produits phytosanitaires. Après application de la Déltamethrine, des extraits aqueux de Neem et du ricin, on note que le nombre d’Ootheca mutabilis, de Maruca vitrata, d’Aneplocnemis curvipes, de Riptortus dentipes, varie et l’analyse de variance dégage une différence significative entre les traitements.

Le tableau 3 présente le nombre d’insectes ravageurs après la deuxième pulvérisation des produits phytosanitaires. De ce tableau, le nombre d’Ootheca mutabilis, de Medythia quaterna, de Medythia quaterna, de Maruca vitrata, d’Aneplocnemis curvipes et de Riptortus curvipes varie, et que l’analyse de variance a révélé une différence significative entre les traitements.

Le tableau 4 présente l’incidence d’attaque d’insectes ravageurs. Il ressort que l’incidence d’attaque varie de 32,2 à 44,0% avec une moyenne de 39,5%, l’analyse de variance révèle qu’il n’y a pas de différence significative entre les traitements.

DISCUSSION

La population des insectes ravageurs du niébé connaît une dynamique et devient plus importante avec l’évolution de la culture (Mukendi, 2014); Bambara et al., (2008).

Après le premier et le deuxième traitement phytosanitaire, les résultats indiquent que les différents bio-pesticides utilisés au cours de cette étude ont réduit considérablement la population des différents insectes ravageurs comparativement aux témoins, ce qui corrobore les résultats obtenus par Kpoviessi et al., (2017) qui ont mené une étude ayant un objectif similaire au notre en utilisant le baume du Cajou au Bénin.

Ces résultats corroborent également ceux trouvés par Mehinto et al., (2014), qui ont utilisé différentes plantes à effet insecticides et insectifuges comparées à la Deltamethrine. Ils ont démontré que les extraits aqueux de Neem, de papayer et de basilic avaient réduit sensiblement la densité des espèces ravageurs de Niébé.

La réduction des populations des insectes ravageurs par le bio-pesticide, est aussi confirmée par Munyuli (2009) et Bambara (2008) qui avaient utilisé d’autres bio-pesticides tels que les extraits de Carica papaya (papayer) et de Tephrosia vogelli.

CONCLUSION

Les dommages et les pertes des rendements dus aux insectes ravageurs se situent entre 20 et 80% du fait que ces attaques réduiraient l’activité photosynthétique et par conséquent la fabrication de la biomasse. Les effets du pesticide chimique (Deltamethrine) et des bio-pesticides ont permis un contrôle efficace des ravageurs et une réduction significative de populations des ravageurs du Niébé.

Les extraits aqueux des graines de Ricin et de Neem se présentent comme une alternative aux produits phytosanitaires de synthèse du fait qu’ils ont permis l’obtention de rendement non négligeable et étant bio-pesticides, ils seraient par la suite biodégradables. Ce sont donc des produits phytosanitaires faciles à manipuler, sans impacts négatifs sur la santé humaine, animale et respectueux de l’environnement.

chez le Neem, son efficacité serait due à son principe actif qui est l’Azadirachtine dont les effets (blocage de la sécrétion hormonale, arrêt du développement de l’insecte et l’anorexie vis-à-vis du régime alimentaire de l’insecte) étudiés par Joëlle (2008). Celle du Ricin serait due à l’action de la Ricine, son principe actif qui est une substance toxique à une DL50 allant de 20-30 mg/Kg de poids vif par voie orale, tel que rapporté dans Anonyme (2001).

RÉFÉRENCES

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